Sélection Grand Prix
PRIX TURGOT 2021 – Grand Prix
La crise du Covid est pour l’auteur « une formidable occasion «de remettre à plat le système économique et monétaire et « la façon de le financer». S’appuyant sur sa riche expérience, tant du secteur privé que public, comme sur ses valeurs fortes , Bertrand Badré s’attache à proposer ce qui ressemble en tous points à une feuille de route pour nous convaincre de prendre la « bonne direction ». Toutefois, il ne renie en rien ses fondamentaux : « je continue de penser que l’économie de marché qui permet de confronter une offre et une demande, de répartir la richesse, d’allouer les ressources dans un environnement contraint reste le meilleur des systèmes… et que le capitalisme qui soutient cette économie de marché, notamment par l’accroissement de la productivité engendré par l’investissement et le capital, reste dans son fondement un outil de progrès … »
On comprend alors que ce n’est en rien une révolution que propose l’auteur, mais plutôt des propositions pour « recanaliser » le capitalisme actionnarial, pour gommer ses effets de type « néolibéral » et le mettre au service du bien commun. Il est convaincu de la capacité du capitalisme à se réinventer et à s’inscrire dans de nouvelle normes conduisant vers un destin « plus vert et un monde ou les inégalités reculeraient »
A rebours d’un certain fatalisme ambiant, Bertrand Badré nous invite à nous prendre en main avec passion et pédagogie pour faire enfin apparaître une économie de marché « équitable et durable ». En espérant que sa foi profonde et son âme de poète, dans la filiation de Paul Eluard, puisse devenir rapidement auto-réalisatrice et que la terre apparaisse « bleue comme une orange».
JL CHAMBON.

L’auteur soulève plusieurs questions
fondamentales : « quels étaient les moteurs des trajectoires nord-américaine, européenne et chinoise et que deviennent–ils sous l’effet des politiques de lutte contre la pandémie ? Observe-t-on dès à présent un bouleversement des régularités passées ? ». Il constate que la pandémie a exercé un rôle d’accélérateur et de transformateur du capitalisme (qualifié « de plateforme ») et de la société (dite « de surveillance »). Ce phénomène a été initié par le développement de l’économie numérique et par la montée des GAFAM à partir des années 1990.
Mais la pandémie creuse les inégalités entre les groupes sociaux et les secteurs d’activité. Elle transforme les modes de vie, les représentations de la société et de la politique. Elle introduit une « incertitude radicale » dans les activités productives et marchandes, que seul l’Etat peut encadrer par une restauration de la planification indicative, par la garantie de la masse salariale, par la compensation au moins partielle des charges des entreprises et par la couverture des risques systémiques. Le traitement de la crise sanitaire impose donc un nouveau compromis entre les actions respectives des Etats et des marchés. L’Etat-nation est devenu le « protecteur des entreprises », le « bouclier de la demande », le « rempart contre le néo-libéralisme ». Il est désormais « le tuteur et le complément nécessaire des marchés ». Le covid vient démentir la thèse de l’Ecole de Chicago qui surestime la capAcité du marché à surmonter les crIses majeures sans l’intervention de l’Etat.
Robert Boyer perçoit toutefois une contradiction entre le capitalisme global de plateforme et le capitalisme d’Etat, car le premier est ouvert sur l’international et le second centré sur la nation. Il préconise la mise en œuvre d’une nouvelle forme défensive du capitalisme d’Etat tout en doutant de la possibilité d’un renouveau des politiques industrielles et d’un retour complet du capitalisme transnational.
JJ PLUCHART

L’internet utopique, libre, autorégulé, plus humain et plus juste que le monde créé par les gouvernements - que John Perry Barlow décrit dans sa fameuse « déclaration d’indépendance du cyberespace » - est resté au stade de l’utopie. L’internet commercial l’a emporté et avec lui, les plateformes numériques qui ont envahi tous les secteurs d’activité.
Lors de cette déclaration, en 1996, Facebook et Google n’existaient pas, Amazon était une toute jeune start-up et Steeve Jobs relançait Apple. En deux décennies, les géants du numérique ont bouleversé l’économie mondiale, mais également les comportements des consommateurs et les démocraties.
L’auteur montre comment ces nouveaux acteurs modifient les équilibres et dynamiques de marché, facilitent la monopolisation, stérilisent l’innovation et vassalisent les entreprises européennes.
Joëlle Toledano explore les pistes permettant aux gouvernements de se donner les moyens intellectuels et politiques de réguler ces empires mais note également que nos institutions et notre droit doivent s’adapter au XXIè siècle.
Ph ALEZARD

La pandémie qui frappe l’humanité en 2020 accélère et intensifie les bouleversements déjà engagés. Le passage du « rien de trop » au « toujours plus » a été amplifié par Internet.
Cependant, à l’instar du cheval de bois accueilli par les Troyens, le numérique, promesse d’une nouvelle ère belle et facile, favorise l’angoisse, la crainte, la division, et l’excès. En conséquence, les piliers d’une relation humaine - transaction, relation et information - sont brisés. L’auteur s’appuie sur une riche analyse, contextualisée notamment sur le plan historique, analogique, sociologique, géopolitique pour étayer son analyse. Cette évolution est néfaste pour l’entreprises, les démocraties et donc pour la civilisation. Il décrit ainsi le développement d’une nouvelle économie « féodale » incarnée par les géants du numérique, de l’émiettement de la société en deux pôles (« leaders » et « largués ») avec la fin des classes moyennes et enfin du totalitarisme.
Le virus qui nous frappe en ce moment peut accélérer cette dégradation ou au contraire nous permettre d’en prendre conscience. Pour éviter le syndrome de Pompéi ou du Titanic, nous pouvons agir en y posant des limites et en engageant dès à présent trois batailles : celle de l’autonomie, celle de l’information et celles des compétences.
L LEMENN

Le capital a-t-il un genre ? En France, la différence de capital entre les hommes et les femmes ne cesse de se creuser, passant de 9% en 1998 à 16% en 2015. L’inégalité patrimoniale souvent déclinée entre les classes sociales a également un genre.
Ainsi, les femmes vont être défavorisées tout au long de leur vie dans la transmission du capital. Cela débute dans la famille, où le « fils préféré », l’ainé en général, est souvent jugé plus capable de gérer l’entreprise familiale ou les biens immobiliers au détriment de sa sœur. Cela se perpétue ensuite au sein du couple, la femme travaille plus que son mari, prenant sur elle une grande partie de la charge domestique non rémunérée. Ce travail invisible n’est pas pris en compte jusqu’à présent dans les grands agrégats statistiques de la comptabilité nationale. Enfin, lorsque le couple se sépare ou divorce, la femme est pénalisée dans les conditions de négociation des pensions alimentaires.
Un livre clair et instructif, fruit du travail de 20 années de recherche, qui met en lumière un sujet peu documenté, qui pourtant mérite l’attention dans le cadre du débat et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Florence ANGLES
